En ce début d’année 2019, la Compagnie Les Signatures a eu le plaisir de vous offrir une programmation placée sous le signe de l’amitié avec le spectacle Parce que j’en avais besoin.

Conçue par Françoise Gillard et portée par une équipe soudée, cette création mêlant la danse, la musique et le théâtre a été donnée à la MAC (Maison des Arts de Créteil) du 12 au 14 mars, puis du 19 au 23 mars au théâtre du Gymnase-Bernardines à Marseille, où on la présentait ainsi : “Tout de grâce et d’élégance, un spectacle ovni à nul autre pareil car Françoise Gillard est une fée qui a de la fantaisie à revendre et le goût de l’inconnu.”

Nous ne résistons pas au plaisir de relayer ici le joli texte de Véronique Hotte, critique dramatique et rédactrice du site Hottello :

Parce que j’en avais besoin, de Françoise Gillard

Une belle exigence de confiance, de bienveillance et de vigilance, à l’égard de l’autre qu’on réconforte et qui nous réconforte, telle est la juste valeur d’une amitié vécue.

Le mot est précieux, « amitié », qu’il ne faut pas galvauder. Aussi la Cour de Cassation a-t-elle précisé en janvier 2017, selon l’à-propos du spectacle de Françoise Gillard, Parce que j’en avais besoin, qui traite de l’amitié, qu’ « être ami Facebook n’est pas une relation d’amitié », qu’on ne peut pas sérieusement, de ce fait, se targuer de « posséder » 150 amis sur les réseaux sociaux – pure illusion.

Si les relations d’amitié entretiennent un sentiment de bien-être et du bonheur d’exister, le sentiment de solitude inflige une souffrance aux âmes sans amis.

Parce que j’en avais besoin – titre du spectacle de Françoise Gillard – pourrait être un rappel du leitmotiv “Parce que c’était lui ; parce que c’était moi”, une expression anaphorique à travers laquelle Montaigne, l’auteur des Essais, résume l’amitié fulgurante qui le lia de 1558 à 1563 à Etienne de La Boétie avant la mort de celui-ci.

L’amitié tient aussi à la relation au temps, aux jours et aux années qui passent dans une vie, selon le rythme spatial et aléatoire des rapprochements et des éloignements physiques, successifs ou alternés, car l’amitié est fragile, tenue à presque rien, un fil.

La métaphore du fil, du lien et du tissu – une imbrication savante des fils entre eux – est filée avec délicatesse dans ce spectacle mêlant danse, musique et théâtre. Pour le spectacle dont elle est l’inspiratrice, la metteuse en scène réunit sur le plateau un quatuor composé de quatre comédiens, dont un musicien et une violoncelliste.

Florence Hennequin lie amitié avec son instrument de prédilection, le violoncelle, tout en le laissant de côté, parfois, pour aller s’amuser avec ses trois acolytes, afin de danser et de tourner en leur compagnie, jouer des bras et des mains qui se lèvent.

Le comédien Yannick Gonzalez est danseur et musicien, rejoignant de temps à autre sa clarinette basse et ses instruments de percussions, le troisième des comédiens – le plus grand physiquement – qui vient semer le trouble dans le duo initial apparu.

Ce duo est composé de Benjamin Jungers – le plus petit – et de Julien Lemonnier – le moyen -, deux comédiens dont l’amitié lycéenne dure depuis plus de vingt ans.

Les trois interprètes réunis sur la scène prennent plaisir à fouler le terrain fragile du langage du corps, s’adonnant naturellement à une rencontre singulière artistique, accordant aux moindres gestes choisis –-mouvements conscients – le pouvoir de l’indicible, non seulement des mots mais encore des sensations et des impressions.

Un lien d’amitié dont on s’amuse, qu’on tire, qu’on arrête ou bien qu’on jette, selon l’humeur maladroite. Qu’on voie un banc à prendre dans un square, et les trois amis se disputent pour occuper à un ou à deux le mobilier urbain en question, bousculant le troisième pour qu’il laisse sa place, et les rôles changent et s’inversent à l’infini.

On échange de même ses t-shirts, le vêtement enfilé de l’un à l’autre, puis enlevé.

Quant aux voilages – des rideaux légers et transparents -, ils signifient la qualité des liens et des attaches qu’on ne saurait éluder mais au contraire, fortifier. Et plus le temps passe, plus tombent des cintres des rideaux évanescents dont le plus grand des danseurs se revêt pour représenter un arbre aux branches ouvertes vers l’autre – une jolie figure du partage de soi dans l’épanouissement et l’efflorescence absolue.

Véronique Hotte

Dans son émission Jeux de scène sur Radio Soleil, la critique Chantal Ozouf salue quant à elle une oeuvre “sensible, gracieuse, pleine d’élégance” :

Photo : Patrick Berger